La Préfecture.

 

Le contexte.

En 1800, la préfecture s’installe dans l’ancienne intendance de la généralité de Limoges, le Présidial (ancien repaire noble du Breuil que l’intendant Pajot de Marcheval avait autorisé à acquérir au nom du roi en 1757 et qui subsistera jusqu’à sa démolition en 1785. Le bâtiment est composé de plusieurs parties, d’époques différentes, il fut en partie restauré et quelques éléments de confort furent réalisés pour le Préfet en 1867-69 mais les dégradations continuèrent.
Plusieurs projets étaient à l’étude depuis Turgot, de déménagement ou d’agrandissement.
 
Le projet d’une nouvelle préfecture est décidé en 1895. À cet effet, en 1897, Emile Labussière, maire de Limoges, offre à l’Etat un terrain sur le site de l’ancien quartier du Viraclaud, sur l’axe de la Place Denis Dussoubs du XVIIIè.S. et le Champ de Juillet refaçonné au XIXè.S. avec l’ouverture de la gare.
 
Ce quartier était caractéristique de l’ancien centre-ville (au nord de l’enceinte médiévale du XIIème) avec des rues étroites pavées, de hautes maisons de moellons et torchis sur pans de bois insalubres et une population souvent miséreuse. La municipalité, dans le contexte des courants hygiénistes très moraux de l’époque (les prostituées ayant adopté ce quartier), tient à moderniser cet habitat vétuste.  Le quartier est détruit en 1898.
 
L’architecte parisien Jules-Alexandre Godefroy, fils de l’architecte de la ville de Limoges Alexandre Godefroy, remporte le concours organisé en 1897. Après maintes évolutions par rapport au projet initial, et différentes options tant pour le bâtiment que pour le quartier, les travaux commencèrent en 1900.

 

Jules-Alexandre Godefroy.
Diplômé de l’Ecole nationale des beaux-arts, Jules-Alexandre Godefroy (1863-1928) est attiré par l’architecture historique (projet de restauration du château de La Rochefoucauld,…). Parmi ses réalisations, on peut citer un pavillon à l’Exposition universelle de Paris en 1900... A Limoges, il construit la poste centrale entre 1909 et 1911 et l’école pratique de commerce et d’industrie (actuel lycée Turgot), deux bâtiments dont la brique jaune et les grandes baies à structure métallique marquent le caractère plutôt fonctionnel.
 
Nommé architecte de l’administration des postes et télégraphes en 1906, il fonde un atelier d’enseignement (Pierre Chabrol et Georges Gay-Bellile y sont ses élèves). Mort en 1928, une exposition rétrospective de ses oeuvres a lieu en 1929 à Paris.

 

Le préfet prend possession des lieux le 8 décembre 1904. L’aile des examens, construite entre 1908 et 1911, est restée inachevée. L’édifice a coûté 1 476 900 francs et devaient accueillir les services de la Préfecture et du Conseil Général. Dans la lignée des projets haussmanniens, Jules-Alexandre Godefroy envisageait de réaliser en même temps que des immeubles publics et des immeubles d’habitation, une percée allant de l’hôtel de ville à la préfecture. Il souhaitait structurer et unifier la ville, tout en l’assainissant.
 

L’édifice.

Les différents corps de bâtiments sont disposés en un vaste losange entourant un jardin intérieur.
 
La façade principale de l’édifice est constituée par le pan coupé du bâtiment situé à l’angle de la rue de la Préfecture et de l’avenue de la Libération. La préfecture bénéficie, par cet artifice, d’une élévation importante et imposante dominant tout un quartier, magnifiée par une composition en ordre colossal.
Le traitement y est monumental : six colonnes jumelées semi-engagées (soit 12), couronnées d’un chapiteau ionique à cornes et guirlandes de feuillage très stylisées, encadrent cinq travées ; elles sont surmontées d’une balustrade-rambarde en pierre qui, posée devant la toiture à la Mansart, permet d’agrandir artificiellement l’édifice vers le haut.
Un perron d’une quinzaine de marches termine l’ensemble. Les deux statues de la gare des Bénédictins devaient à l’origine être installées à ses pieds (elles auraient du être en bronze).
 
L’ensemble des bâtiments a été réalisé en granit. Des calcaires ont été utilisés pour certaines sculptures, les murs sont en simili-pierre et le décor en stuc et staff.
 
A chaque angle sont édifiés deux avant-corps légèrement saillants, chapeautés par une imposante sculpture symbolisant la République victorieuse et florissante.
 
Les sculptures décoratives sont dues à Henri Varenne (1860-1933), sculpteur tourangeau. De chaque côté de cette façade, existent deux pavillons semi-circulaires légèrement en retrait.

 

Henri-Frédéric Varenne
(1860-1933) Il devient sociétaire des artistes français dès 1890. Sculpteur et graveur de médailles, il obtient de nombreuses récompenses et d’importantes commandes publiques, pour la cathédrale et plusieurs monuments de Tours ainsi que pour la manufacture de Sèvres. A Limoges, il est également auteur des sculptures de la gare des Bénédictins.

 

Par son entrée imposante, par ses deux têtes de lion, symboles de la force et majesté des lieux, et par son balcon à balustre marquant le bureau du préfet, la tour-lanterne à dôme, située sur la rue de la Préfecture, renforce la monumentalité de cet ensemble.
Les deux façades en retour, destinées à héberger des bureaux, sont beaucoup plus sobres. Elles présentent des similitudes avec certains des immeubles d’habitation édifiés à cette époque dans le quartier.
 
Sur cette façade de l’avenue de la Libération est inscrite la devise de la République : Liberté, Egalité, Fraternité.
 
La décoration intérieure, réalisée entre 1905 et 1913, rassemble des oeuvres représentatives du répertoire de la peinture décorative de la Troisième République.
 
La salle des délibérations du Conseil Général a été décorée par Noël Bouton. Des couronnes de laurier entourent le sigle de la République, sur fond de gerbe de blé et de grappes de raisins stylisées.
Les lunettes sont ornées de rinceaux de chêne et châtaignier des armoiries de la ville (préfecture et de ses sous-préfectures : Bellac, Rochechouart et Saint-Yrieix (arrondissement supprimé en 1926). L’allégorie sur le fond du mur est titrée : Liberté, Egalité, Fraternité.
 
Les salles d’examens : En haut du grand escalier est placé une statue de la République en marbre d’Henri Coutheillas.
 
L’escalier d’honneur : Depuis le passage couvert du pavillon à dôme, qui devait accéder à un jardin d’hiver non réalisé, on pénètre dans un vestibule au sol de mosaïques qui ouvre sur l’escalier d’honneur. La cage d’escalier est éclairée par une grande verrière d’Albert Gsell intitulée « Les divinités antiques inspiratrices des anciens émailleurs se plaisent à jouer encore aux environs de Limoges ».
 
La rampe en fer forgé et les parois en staff de l’escalier sont décorées de motifs des bouquets de feuilles de chêne.
 
Au plafond du vestibule de la salle des fêtes, les lettres H et V forment les monogrammes de la Haute-Vienne, et peut-être d’Henri Varenne… auteur de la décoration sculptée de l’édifice.
 
La salle des fêtes, une grande galerie de 27m de long, possède la plus riche décoration de la Préfecture : larges corniches en staff rehaussé d’or, un plafond peint par Raphaël Collin (1850-1916) en trois parties : une toile rectangulaire flanquée de deux toiles ovales. Ses compositions sont des allégories des bienfaits du travail et de ses conséquences économiques.
La partie haute des trumeaux séparant les baies sont ornées de douze portraits en médaillon d’hommes célèbres du Limousin.
 
A partir de l’entrée à droite et dans le sens des aiguilles d’une montre :
·         Jean Cruveilhier (1791-1874) : médecin anatomiste.
·         Elie Berthet (1815-1891) : littérateur et feuilletoniste au journal Le siècle.
·         François II Alluaud (1778-1866) : Brillant perfectionneur de l’industrie de la porcelaine, il faut aussi maire de Limoges de 1830 à 1833, et l’un des fondateurs de la Société Archéologique et historique du Limousin.
·         Jean-Baptiste Jourdan (1762-1833) : Participa à la guerre d’indépendance américaine puis aux campagnes révolutionnaires. Vainqueur de Fleurus il fut Maréchal de France.
·         Henri-François d’Aguesseau (1668-1751) : avocat puis procureur général au parlement de Paris, il fut chancelier, et réformateur de la législation.
·         Louis-Joseph Gay-Lussac (1778-1850) : physicien
·         Anne-Robert Jacques Turgot (1727-1781) : intendant du Limousin de 1761 à 1774, il fut l’initiateur de la modernisation des infrastructures et de l’économie avant de devenir le contrôleur des finances de Louis XVI.
·         Pierre-Victurnien Vergniaud (1753-1793) : avocat, président de la Convention, il fut guillotiné.
·         Marie-François-Sadi Carnot (1837-1894) : Président de la R2publique en 1887, assassiné à Lyon par un anarchiste.
·         Guillaume Dupuytren (1777-1835) : chrirurgien, auteur de nombreuses opérations délicates.
·         Léonard Limosin (1505-1575+-) : émailleur de la Renaissance.
·         Georges Périn ( 1838-1903) : Premier préfet de la Haute-Vienne de la IIIè Rep. Puis député radical.
 
Le théâtre.
La galerie des fêtes est complétée par un petit salon en rotonde et surnommé le « théâtre ». Le salon est couvert d’un plafond peint par François Thévenot (1856-1943) représentant « la beauté se découvrant aux Arts »
La rotonde est ornée d’une composition murale en trois panneaux par Jean Teilliet (panorama de St Junien, ville du peintre).
 
Le salon des maréchaux est la salle contigüe à la galerie appelée ainsi pour ses deux portraits de Jourdan et Bugeaud, tous deux nés à Limoges.
Cette pièce était à l’origine la grande salle des banquets officiels où 50 convives pouvaient prendre place. Au plafond des décors bucoliques, instruments de musique et fruits, en accord avec la fonction de cette salle.
Un carton représentant les Arts du Feu en Limousin de 1908 a été réalisé par Edmond-Anne-Antoine Tapissier (1861-1943) pour une tenture des Gobelins non exécutée. De nombreux bals furent organisés ici.

Le bureau du Préfet.

De forme ovale, cette pièce se trouvant au 1er étage dans la tourelle d’angle, est ornée d’une composition allégorique d’Albert-Antoine Lambert et d’une bibliothèque.
Depuis le bureau on accède aux appartements privés, qui possèdent de nombreux meubles et objets de l’ancienne préfecture : baromètre, thermomètre, dessus de porte peint…
 

Pour en savoir plus : https://www.limousin.culture.gouv.fr/IMG/pdf/pat_20_pref.pdf