La gare des Bénédictins

QUELQUES REPERES HISTORIQUES 

1837 : Première mise en service d'une ligne de chemin de fer entre Paris et St Germain en Laye.

1842 : Création d'un premier vrai réseau de "radiales" partant de Paris et de lignes "transversales". Sous le Second-Empire, six compagnies se partagent la responsabilité de mener à bien ce lourd projet. L'une d'elles, la Compagnie d'Orléans (plus tard Paris-Orléans), est notamment chargée de relier Paris au Limousin.

C'est une des 6 sociétés privées du réseau ferroviaire français, qui lors de leur fusion en 1938 donneront la SNCF, elle possède alors un réseau de 1200 km.

1848 : Dépôt d'un projet pour la réalisation de la première gare.

16 juin 1856 : Inauguration d'un tronçon de 106 km entre Argenton sur Creuse et Limoges avec l'arrivée d'un convoi de marchandises le 2 juin 1856. La gare n'est alors qu'un vulgaire bâtiment de planches.

1858 : Après de nombreuses années de retard, (expropriation le long du Champ de Juillet, travaux de voirie...) la première gare de voyageurs est enfin achevée. L'architecte est parisien et s'appelle Pierre Louis Renaud.

Elle se situait avenue de la gare (aujourd'hui avenue du Général de Gaulle), à l'emplacement de l'ancienne abbaye des Bénédictins, dont elle tient son nom. Elle était constituée de trois voies de circulation, et se trouvait en contre-bas d'une immense terrasse, au pied d'un mur de soutènement de 6 mètres de haut, dans un espace jugé "encaissé et malsain".

Très vite, le trafic et le nombre de voyageurs augmentent. La gare s’avère trop petite.

23 janvier 1885 : Demande du Conseil Municipal aux ingénieurs du Paris-Orléans de prendre des mesures pour agrandir la gare. Un premier bâtiment est construit par l’entreprise Emile Labussière mais qui ne satisfait ni les élus ni la population. 

 

1891 : Nouvelle demande de la municipalité pour construire une gare plus monumentale, suite à l’ouverture de nouvelles lignes et l’accroissement économique et démographique de Limoges. 

 

Il faudra seize années d’études, cinq de travaux et six projets successifs pour mener à bien la réalisation de la gare de Limoges telle que nous la connaissons aujourd’hui.

 

Mai 1919 : Le choix des élus et des responsables de la Compagnie du Paris-Orléans se porte sur le projet préparé dès 1908 par Roger Gonthier, jeune architecte de 34 ans de la Compagnie du Paris-Orléans, en collaboration avec l'ingénieur Jullien.

 

14 mars 1922 : Adoption du projet final par la municipalité. La construction est financée par la municipalité, le Conseil Général et la Compagnie du Paris-Orléans.

1924 : Début des travaux qui deviennent très vite l’attraction de la ville.

Roger Gonthier.

Architecte parisien et de la Compagnie du Paris-Orléans, licencié en droit, Roger Gonthier (1884-1978) a réalisé notamment à Limoges en 1919, le pavillon frigorifique à viande du Verdurier, en 1924 la cité-jardin ouvrière de Beaublanc, en 1925 la cité des Coutures, destinées aux cheminots, en 1941 l’abattoir municipal (actuellement bureaux désaffectés de l'entrepôt municipal).

 

Bâtie sur un sol marécageux remblayé avec la construction de la première gare, il faut plus d'un an avant que les fondations ne sortent de terre.

1924 / 1929 : Les limougeauds visitent en nombre le chantier, qui nécessitera plus de 11 000 m3 de béton, 1 800 t d'acier et 2 800 m3 de pierres de parement, et mobilise 200 ouvriers, en majorité des italiens. 

Il a été décidé durant la phase de projet que la gare soit bâtie en surélévation au-dessus des voies de 7 mètres, (c’est un des rares témoignages de cette option architecturale en France qui a l’avantage de conserver le nombre de voies au sol – 10 à Limoges).

18 mai 1929 : Le premier voyageur pris son billet à six heures du matin.

 

2 juillet 1929 : Inauguration de la nouvelle gare, qui passera plutôt inaperçue à l'échelle nationale, suite aux rebondissements de l'affaire Barataud.

 

L’affaire Barataud.

Le meurtre d’un chauffeur de taxi Etienne Faure et d’un étudiant Bertrand Peynet par Charles Barataud, son amant, fils de famille de 33 ans, sportif accompli, officier de réserve, “bien sous tous rapports” qui finira ses jours à Cayenne. ...

 

 

La gare et son architecture ne font pas l'unanimité à cette époque, bien que depuis elle soit devenue un emblème pour la ville, et un lieu de rassemblement pour les grands événements (manifestations sportives ou autres).


19 juin 1940 : Bombardement de la gare par des avions italiens, sans dégâts.
1942/1945 : Occupation de la gare par les troupes allemandes.
Novembre 1942 : Invasion de la zone libre par les nazis. Des cheminots allemands sont envoyés à Limoges. Ils sont en liaison permanente avec la Transport Kommandentur. Pendant cette période, les cheminots français font de la résistance à l'Occupant, au sein du Groupe Fer, dirigé par Paul Vives-Caillat alias Pévécé. Ils installent à l'insu des Forces d'Occupation un émetteur-récepteur au niveau des horloges du campanile, ce qui permettra notamment d'avertir la Royal Air Force de la situation relative de l'usine stratégique pour l’ennemi Gnome et Rhône, utilisée par les allemands et située près de la gare de triage du Puy-Imbert, qui sera détruite par les bombardiers anglais. 
Février 1944 : la Royal Air Force bombarde l'arsenal.
20 mai 1968 : Trafic ferroviaire très perturbé par le mouvement relatif aux évènements de Mai 68. Les cheminots de la gare hissent sur le campanile de la gare le drapeau rouge, au moment-même où se tient un meeting intersyndical sur le parvis. 
La gare de Limoges devient donc un des symboles de la lutte des gauchistes de la ville, et plus généralement des protestations syndicales. C’est sur la place Maison-Dieu que se terminent généralement depuis les manifestations.
15 janvier 1975 : La gare est classée au titre des Monuments Historiques.
5 février 1998 : un incendie ravagea le dôme, qui fut refait à l’identique et terminé en 2000.
Eté 2000 : Mise en service du CIEL (Centre Intermodal d’Echanges de Limoges) qui facilite la complémentarité des moyens de transport : trains, cars de ligne, taxis et bus urbains.
 
C'est avec la réalisation du bâtiment que le quartier s'urbanise rapidement. La gare séparant en quelque sorte deux parties bien distinctes :
  1. le prolongement du centre-ville, à l'ouest (dite partie « noble »), avec le Champ de Juillet, les immeubles chics du quartier Jourdan (rue d'Isly, cours Jourdan, les Feuillants) et plus loin le centre historique. L'aménagement urbain est fait de telle sorte à ce que du côté « noble », la gare et son campanile soient vus de loin, par de grandes artères et de grandes perspectives
  2. avec la construction de quartiers ouvriers cheminots (la partie dite « modeste »), eux-mêmes divisés en deux :
·       au nord, le long de l'avenue Aristide Briand, des maisons individuelles basses, datant pour les plus anciennes du début du XXè siècle.
·       à l'est, la Cité des Coutures, bâtie en même temps que la gare, entre 1925 et 1932, qui accueillit dès le début de nombreux cheminots, et le quartier Montplaisir (maisons individuelles de trois étages, habitation à bon marché).
L'emplacement de ce qui sera le centre ferroviaire de Limoges est celui occupé par une léproserie, qui donna son nom à l'actuelle place Maison-Dieu, qui jouxtait un monastère bénédictin, reconverti en pensionnat de jeunes filles puis centrale pénitentiaire en 1810, avant d'être remployé comme caserne au début de la IIIe République et d'être démoli en 1952.
L'implantation de la gare renforce l'activité industrielle de la ville, et contribue donc à l'élan démographique et économique de Limoges,

LE MONUMENT.

Tout a été pensé pour en faire un temple voué à l’émancipation par le pouvoir technique, orné d’allégories qui magnifient le travail humain.
Sa silhouette reconnaissable est constituée :
·       d'une ossature en béton armé habillée à l'extérieur de pierres de taille (calcaire) - un parement, exigé par la municipalité de la ville des années 1920 - et à l'intérieur de plâtre.
·       d’un dôme de cuivre (33 mètres de diamètre) qui surmonte le grand hall, doté d'une charpente métallique et couronné d’un verrière en forme de chapeau chinois,
·       d’un campanile de 61 mètres surmonté d’un vase.
Elle est un parfait exemple de l’esthétique monumentale en vogue dans l’entre deux-guerres, que l’on voit également avec la gare St Charles à Marseille. Elle est souvent qualifiée de plus belle gare d’Europe.

 

L’EXTERIEUR.

La façade principale au sud :
Ce fleuron tardif de l’Art Nouveau est encadré par deux grandes statues de femmes signées Henri Varenne symbolisant l'émail et la porcelaine de Limoges, (qui étaient au départ destinées à la Préfecture) rappelant au voyageur que Limoges est la Capitale des Arts du Feu.
Elles voisinent avec deux bas-reliefs du même sculpteur représentant deux divinités antiques et ornant les tympans de l'entrée principale du bâtiment : Cérès à gauche, déesse des moissons entourée des symboles de l’agriculture (le bœuf, les blés, la faux, et Mercure, dieu des Voyageurs, coiffé de son casque ailé et portant son caducée, accompagné de chaînes, d'une roue dentée et d'un marteau.

 

  

1927 :  Une polémique raviva le débat sur l'usage de la porcelaine comme élément décoratif de la façade afin de « soutenir les intérêts économiques » des entreprises porcelainières. Ce débat est tranché par l'installation de grands panneaux décoratifs du porcelainier Camille Tharaud, installés initialement dans les boiseries du hall, aujourd'hui disparues.

 

La façade nord :
Elle propose elle aussi représentation de Mercure : la tête du dieu romain surplombe le monogramme « PO » de la Compagnie du Paris-Orléans.

 

 

La façade ouest :
Elle donne sur la place Maison-Dieu et présente une apparence classique tout en supportant des éléments singuliers : au niveau du cinquième étage, les fenêtres sont surmontées de guirlandes de fruits et d'autres décorations diverses, encadrant les blasons de quelques villes du réseau historique de la Compagnie du P.-O. : Limoges, Orléans, Toulouse, Montauban, Agen, Périgueux, Blois, Bourges, Poitiers, Bordeaux et Tours.
  

La façade orientale :
Elle est peu décorée, présente le blason de la ville de Paris et celui de la ville de Limoges. Les angles du toit possèdent de grands motifs de zinc.
Coiffant le campanile de 57 mètres de hauteur, un vase en cuivre repoussé de 5 mètres de haut, et muni d’un paratonnerre,  symbolise l’urne des scrutins.
L'avant-dernier niveau du campanile supporte l'horloge, graduée en chiffres romains, dont les quatre cadrans ont quatre mètres de diamètre, et sont reliés entre eux de manière à indiquer la même heure.

L’EXTERIEUR.

L’immense hall, de près de 4 000 m2, frappe tout d’abord par son décor de verre dû à Francis Chigot. Ce dernier a privilégié, dans une composition de bandes horizontales ou verticales, un décor de feuillages, rappelant la végétation du Limousin : le chêne et le châtaignier.
Au total, les vitrages sont posés sur une surface de 775 m². Sont également installés treize ensembles vitrés encadrant de grandes portes en bois de teck et d'iroko.

 

Francis Chigot 

C'est un verrier et peintre de vitraux français, né en 1879 à Limoges, et mort en 1960.
Il fut élève au lycée Gay-Lussac de Limoges, puis à l'École nationale supérieure des arts décoratifs. Il commença à travailler pour les monuments historiques en 1917, et continua avec les restaurations d'églises du nord de la France, détruites par les combats de la Première Guerre mondiale.
On lui doit de nombreuses créations de vitraux de monuments français : vitraux de l’église de Conques, de la 
basilique d’Annecy (1941-1952)[, de la Chapelle Notre-Dame d'Arliquet à Aixe-sur-Vienne (1945), de l'église du nouveau village d'Oradour-sur-Glane (1953), restauration de verrières des cathédrales de PoitiersBourgesClermont-FerrandMoulins
Il a réalisé la décoration intérieure du pavillon du Verdurier, ancien pavillon frigorifique à Limoges, avec l'aide de son dessinateur attitré Pierre Parot.
L’Atelier du Vitrail à Limoges, fondé par ses ouvriers, poursuit son oeuvre.

 
 Henri Varenne est l’auteur des décors de stuc ou en staff qui habillent l’intérieur du hall. Il propose dans les écoinçons de la coupole (31 mètres de haut) quatre allégories féminines, cariatides vêtues d’un peplum représentant les régions que le rail mettait à portée d’échanges commerciaux : le Limousin, la Touraine, la Gascogne et la Bretagne.

 

Henri-Frédéric Varenne

 

(1860-1933) devient sociétaire des artistes français dès 1890. Sculpteur et graveur de médailles, il obtient de nombreuses récompenses et d’importantes commandes publiques, pour la cathédrale et plusieurs monuments de Tours ainsi que pour la manufacture de Sèvres. A Limoges, il est également auteur des sculptures de la Préfecture.

 

 

Chacune de ces quatre sculptures porte des emblèmes de sa province :
·       La Bretagne, pudique, est représentée voilée, et est accompagnée de coquillages, de poissons et d'algues.
·       La Gascogne, représentée de dos, soutient une guirlande de grappes de raisin.
·       Le Limousin porte un vase de porcelaine et désigne une profusion d'épis de blé, de châtaignes et de feuilles de châtaignier.
·      La Touraine cueille une rose, entourée de fleurs.


Le centre de la coupole est occupé par une verrière de 7 m de diamètre, elle-aussi ornée de vitraux, et entourée d'une couronne d'entrelacs et de feuillages moulés, d'où descendent huit tores de feuillages.

Jusqu'en 1978 était présent un mobilier (guichets, etc.) de style Art déco en bois massif.

 

 



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