La ville double (Xè au XIVè.S.)

Du XIè au XIIIè.S., la ville connaît une expansion importante. Le groupement du quartier St Martial avec le Château, suite à l'agrandissement de l’enceinte à l’initiative des moines incluant la Motte, l’abbaye St Martial, marque une date essentielle dans l’évolution urbaine.
L'ensemble est désormais ceint de murs et la ville devient simplement double (bicéphale).
 
La ville a dû à son siège épiscopal (en Haute-Vienne, Corrèze et Creuse) de garder une certaine importance administrative au fil du premier millénaire), mais c’est l’abbaye St Martial qui a marqué la personnalité de la ville, et la main mise de Cluny sur l’abbaye est effective à la fin du XIè.S.

 

La lutte entre les deux entités urbaines est parfois violente.
En 1105, la Cité est ravagée par un incendie allumé par les habitants du Château, qui bénéficie à la fois du rayonnement de St Martial et du développement des activités commerciales. Mais cette prospérité du Château n’est pas sans risque.
Il se retrouve ainsi inévitablement au cœur des rivalités opposant la couronne anglaise aux monarques français.
A l’origine du conflit : le remariage d’Aliénor d’Aquitaine avec Henri II Plantagenêt en 1152, qui fait basculer dans l’orbite anglaise le duché d’Aquitaine, dont dépend la vicomté de Poitiers, incluant la ville de Limoges.
 
Mais le vicomte de Limoges, Adémar V - dit Boson, refuse la tutelle pesante de la suzeraineté anglaise.
A partir de 1177, le Château devient un des objectifs de la guerre que se livrent le Vicomte de Limoges et le nouveau duc d’Aquitaine : Richard Cœur de Lion, fils ainé du Roi Henri II Plantagenêt. Ce dernier entreprend donc de raser les murs du Château et le pont St Martial pour châtier les habitants.
C’est au cours d’un de ses nombreux affrontements que Richard Cœur de Lion trouve la mort à Chalus le 6 avril 1199, 11 jours après avoir été atteint par un carreau d'arbalète, alors qu’il ne porte pas d’armure, tiré par un chevalier de petite noblesse limousine, Pierre Basile.
La flèche est retirée mais la gangrène gagne le corps du roi.
L’histoire de Robin des Bois raconte l’usurpation du trône d’Angleterre par Jean, le frère de Richard.
 
Le début du XIIIè.S., est une période de paix et de prospérité économique.

 

Le Château.

Le Château regroupe environ 32 hectares, une dizaine de quartiers, de nombreux marchés alimentaires (dont celui de la place des Bancs, réservé aux bouchers), des fontaines publiques.
Jusqu’au XVIIIè.S., Limoges restera une place privilégiée pour des commerces particuliers comme celui du poivre.
 
La période des conflits avec le suzerain anglais est sans doute une période difficile pour Limoges, mais il ouvre la voie au pouvoir des Bourgeois.
En effet, pour mener la guerre, le Vicomte a besoin d’argent. Le trésor de St Martial est fondu pour payer les mercenaires, et le Vicomte est obligé d’associer le patriarcat urbain à la défense de Limoges.
La reconstruction des murailles et leur entretien est un lourd investissement qu’il ne peut assumer seul. Les Bourgeois se sentent alors suffisamment puissants pour s’opposer au pouvoir du Vicomte sur la ville.
Sa tâche principale étant d’assurer la sécurité des habitants, si eux-mêmes doivent y participer, il y perd de la légitimité.
Les Bourgeois considèrent donc qu’ils ont dorénavant leur mot à dire sur la gestion de la ville. Ils savent également jouer sur les rivalités franco-anglaises : bien que le conflit s’apaise militairement en Limousin, les rivalités feutrées existent. Le Roi de France Philippe Auguste peut compter sur le soutien des Seigneurs, Jean sans Terre sur les Bourgeois.
Les habitants parviennent donc à créer un Consulat, comme dans les villes du Midi, librement élu par eux, reconnu en 1212 par l’abbé de St Martial et doté de coutumes approuvées par le Roi d'Angleterre Henri III en 1260.

 

Parallèlement, Limoges ressent directement les transformations de la spiritualité en œuvre dans toute la Chrétienté.
Les guerres et les épidémies font se tourner les Bourgeois vers la religion pour le salut de leur âme. 
 
L'équipement religieux évolue sous différentes formes :
  • les dons se détournent des vieilles abbayes au profit des pauvres et des malades
  • se créent ainsi de nombreux hôpitaux
  • les ordres mendiants se développent et s’installent dans les faubourgs : Dominicains (1241), Franciscains (1243) et Carmes (1264).
  • (Ce dernier près de la place des Carmes échappera en partie à la destruction suite à la dissolution de l’ordre en 1790. Tout comme, l’église Sainte-Mariequi est une partie de l’ancienne chapelle des Dominicains, rescapée au XIXè.S. de la reconversion du couvent en caserne.)
  • les confréries se développent.
  
De 1260 à 1276 a lieu une véritable guerre civile entre le pouvoir vicomtal et les Bourgeois du Château, causée par des questions de droit de justice. Philippe III le Hardi tranchera en faveur du Vicomte qui lui est acquis (idem avec l’évêque).
La reprise du conflit franco-anglais à partir de 1340 la guerre de Cent ans – permet aux Bourgeois du Château d’affermir encore leur pouvoir.
 
En 1364, la reconstruction de St Michel des Lions exprime également la puissance et la richesse des Bourgeois avec sa flèche élancée qui domine la ville.
De même, St Pierre du Queyrois se transforme entre la fin du XIIIè et la fin du XVIè.S. : clocher, adjonction de chapelles… C’est dans cette église particulièrement que s’épanouit la spiritualité des bourgeois de Limoges avec ses 14 confréries.

 

En 1365, après que le traité de Brétigny a placé Limoges sous souveraineté anglaise, les Consuls obtiennent d’Edouard III la reconnaissance de leurs pouvoirs.
 
Six ans plus tard, en 1371, alors que la guerre a repris, ces mêmes consuls se rallient à Charles V de France, moyennant la confirmation des droits du Consulat.

 

La promotion politique et sociale des Bourgeois aux XIIIè et XIVè.S. se lit très fortement dans le paysage urbain, avec notamment :
1. l'apparition de faubourgs : Saint-Martial, Manigne, Boucherie au sud, et les arènes au nord.
2. la réalisation des remparts :
La nouvelle enceinte érigée au XIIIè.S. détermine pour environ 5 siècles la physionomie du Château. Elle englobe un espace d’environ 32 hectares, une partie n’étant pas encore urbanisée.
Partant de la Porte Montmailler (place Denis-Dussoubs), ils suivaient le haut de l’avenue de la libération, les boulevards Carnot, Georges Périn, Louis-Blanc et Gambetta. Ils faisaient ensuite un angle rentrant vers la rue des fossés (actuelle rue Adrien Dubouché), le nom de la rue évaquant leur tracé.
Grâce à cette muraille, la ville contrôle la quasi-totalité du trafic routier de la région, renforçant ainsi la fonction marchande de Limoges.
Sa prospérité provient :
  • des deux grandes foires annuelles à la Saint-Martial (30 juin) et à la Saint-Gérald (14 octobre) témoigenant de son rayonnement commercial. Des relations existent aussi avec les grandes foires de Champagne, avec l’Italie du Nord (Lombardie, Venise), l’Espagne et l’Angleterre.
  • au travail des artisans locaux :
- travail des métaux, en particulier pour l'émaillerie
- du textile  avec la célèbre « limogiature » : étoffe luxueuse rayée d’or ou de pourpre
- du cuir
 
 
Mais Limoges n’accèdera pourtant pas au rang des grandes cités médiévales, il manque à son rayonnement des banquiers et une université. Une des raisons à cela est certainement la prudence des Bourgeois qui réinvestissent leur argent dans des terres au-delà des murailles, plantées de vignes, et dans les œuvres de charité pieuses.
 

La Cité.

 

La cité a profité de la longue phase de paix et de prospérité du XIIIè.S., ce qui se traduit par de nombreux chantiers : construction du pont St Etienne, nouvelle enceinte, reconstruction de la cathédrale. Mais la guerre de Cent ans lui porte également un coup très rude.

En 1370, le « prince de Galles » dit le Prince Noir, fils d’Edouard III d’Angleterre, s’empare de la cité, la dévaste et massacre ses habitants.. Après ce sanglant épisode la suprématie du Château est définitivement établie.

C’est dans la Cité que l’on retrouve les témoignages de l’architecture civile de la fin du Moyen-Age due à une relative atonie de la ville de l’Evêque ayant contribué à les conserver :

Place Haute-Cité ou Porte-Panet, on peut encore voir ces maisons caractéristiques avec au rez-de-chaussée des ouvertures ogivales et des colombages à l’étage. Sous ces maisons se développe un impressionnant réseau de caves, sur deux ou trois niveaux.

Au-delà des légendes, il faut y voir de simples lieux de stockage, voire de production pour des activités demandant un certain degré d’hygrométrie à l’intérieur d’enceintes urbaines où la pression foncière était forte.

L’extension et la mue dela Cité sont moins sensibles que dans le Château, mais elle se dote d’une enceinte de cinq portes, délimitant un espace de douze hectares.

La reconstruction gothique de la cathédrale démarre en 1273 sous l’impulsion de l’évêque Aymeric de la Serre et de nombreuses maisons canoniales sont construites. Le clocher roman est alors surmonté de quatre niveaux en style gothique et d’une haute flèche, deux fois détruite par la foudre, dès le milieu du siècle.

Sa fragilité amène à chemiser sa base afin d’en éviter l’effondrement, d’où une double mutilation –flèche absente et massif de maçonnerie- qui est à l’origine de sa curieuse silhouette actuelle.

Le poids économique de la Cité se renforce avec la construction du pont St Etienne et la croissance régulière des faubourgs, mais sera amoindri suite à l'interminable franco-anglais.

 

 


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