La ville "double" (IVè-Xè.S.)

La Cité.

Le dépérissement de la ville romaine donne naissance à un nouveau centre urbain, sur une hauteur dominant la Vienne, la civitas du Puy St Etienne(la Cité), plus facile à défendre.
La population s’y réfugie lors des grandes invasions au IVè.S, l’église épiscopale et le baptistère attenant, révélés par des fouilles récentes, y sont édifiés.
Ce site a sans doute été assez rapidement ceint d’une muraille, construite avec les blocs de granit en grand appareil récupérés des monuments romains, les pierres calcaires et les marbres servant à la préparation de la chaux.
Les quartiers alentours, y compris ceux du pont, sont quand même encore habités partiellement malgré l’insécurité qui y règne depuis la fin du IIIè.S.
 
La ville romaine va disparaître peu à peu, transformée en carrière pour les maçons puis les ateliers d’émailleurs, qui vont utiliser les tesselles de verre des mosaïques gallo-romaines comme matière broyée pour les émaux champlevés produits au Moyen-âge.

 

L’arrivée de St Martial, sans doute un évangélisateur originaire d’Asie Mineure avec deux acolytes, Alpinien et Austriclinien, qui évangélise le Limousin, vers l’an 300 marque le début de la pratique chrétienne. Il sera le premier évêque de la ville au début du IVè.S.
 

Le Château.

C’est dans un des quartiers abandonnés d’Augustoritum que l’on retrouve la nécropole et le tombeau du Saint, (quartier du "château") qui devient un lieu de pèlerinages et de miracles.
 
Durant ces siècles obscurs, l’équipement religieux de la ville se développe et la ville connaîtra de grands "évêques" bâtisseurs comme Rorice Ier et son petit-fils Rorice II entre 485 et le milieu du VIèS et leurs successeurs .

 

Dès le Vè.S. est bâtie une première cathédrale et un baptistère. Hors les murs de la cité épiscopale, sont fondées les églises Saint Augustin, Saint Martin et Saint-Paul, le long d’un axe menant au tombeau St Martial.
 
Le pouvoir est essentiellement aux mains de l’évêque, qui contrôle le Castrum : la fortification du Puy St Etienne.
L’autorité royale a du mal à s’imposer : comme toute l’Aquitaine, Limoges supporte mal l’autorité des Francs, qui se sont substitués aux Wisigoths au début du VIè.S. La région est agitée par de continuelles révoltes. Seule la menace des invasions du VIIè.S. permet aux Francs de s’imposer durablement.

 

En 761, Pépin le Bref, le père de Charlemagne, fait démanteler l’enceinte de la cité pour contraindre l’évêque à se soumettre. Les successeurs de Charlemagne, et particulièrement Charles le Chauve ont du mal à assoir leur autorité.
C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre l’érection de l’abbaye St Martial, instrument du pouvoir royal face à la puissance de l’évêque.
 

La Motte du Vicomte.

A partir du Xè.S, le Comté de Limoges échoit par héritage au comté de Poitiers et n’existe plus.
Un vicomte, représentant le Comte s’est installé sur une éminence, à l’écart de la cité épiscopale, sur un site de carrefour, où il a érigé une motte castrale.
Elle possédait un imposant double fossé alimenté en eau par un aqueduc romain.
Une chapelle sous le vocable de St Michel est construite dans la basse-cour du château. C’est le 3ème pôle de pouvoir qui se met en place, alors que les deux autres continuent de se développer.
Les évêques fondent des établissements monastiques (Sainte-Marie de la Règle et Saint-Augustin dans la 1ère moitié du Xè.S, Saint-Martin en 1012) et Saint Martial se développe grâce à l’aura accrue du Saint dont on conserve les reliques.

 

La première enceinte du château remonte donc au Xè.S, elle partait de l’abbaye St Martial, remontait jusqu’à la place fontaine des barres, puis gagnait le bas de la rampe du portail Imbert, entourait l’ancien Hôtel de la Préfecture (Présidial), longeait la rue Adrien Dubouché (anc. Rue des fossés)… 
Quatre portes fortifiées permettaient d’entrer dans la ville :
  • la porte Orgolette (place St Pierre)
  • la porte Poulaillère (intersection de la rue Jean Jaurès et du Consulat),
  • la porte Fusini,
  • la Porte Nimbert.
 
Hors de l’enceinte, le verger de l’abbaye St Martial occupait l’emplacement actuel de la Préfecture et de l’Hôtel des Postes. Il a été entouré d’une muraille particulière fermée par la Porte Montmailler, d’où le nom deViraclaud  qui signifie "villa clausa" longtemps porté par ce quartier.

 

En 994, une "ostension" permet d’arrêter une épidémie du « mal des ardents », une intoxication mortelle due à la maladie de l’ergot de seigle. A COMPLETER
Dans la concurrence acharnée que se livrent les monastères pour attirer les pèlerins et donations, il est important de pouvoir prétendre détenir des restes d'un personnage important, le plus "vendeur" étant les reliques d’un compagnon du Christ.
C’est pourquoi les moines de St Martial entreprennent la progressive promotion apostolique de St Martial. Il est au début présenté comme un disciple de Pierre, voire un de ses parents (Vita Antiquior), témoin de la résurrection de Lazare et du lavement des pieds.

 

L’enjeu est d’autant plus grand qu’en 1016, on découvre à Angély, à une centaine de kilomètres à l’Ouest de Limoges, le chef (crâne) de Saint-Jean Baptiste. Cette relique prestigieuse risque de détourner le flot des pèlerins, notamment ceux qui se rendent à St Jacques de Compostelle, de l’abbaye de Limoges.
 

Au début du XIè.S., un manuscrit rédigé dans l’abbaye « la Vita Prolixior », fait donc de Martial un apôtre, jouant sur le fait que l’on nommait ainsi les 72 hommes que le Christ avait envoyés évangéliser le monde romain. Il devenait ainsi très heureusement le 13ème apôtre

 

Une âpre querelle théologique s'ensuit, avec de nombreux rebondissements.

L’abbé de St Martial, Adémar de Chabannes, finira par obtenir gain de cause face à Benoît de Cluse, un chanoine de Savoie, suite au concile de Limoges provoqué les 18, 19 et 20 novembre 1031.

Après celui de Poitiers, puis de Paris, ces conciles, demandés par le Duc Guillaume d'Aquitaine pour tenter de départager les deux camps, eurent pour objectifs : l’étude du mouvement de la Paix de Dieu, le rétablissement de la paix et de la justice par les évêques, et bien-sûr l ‘apostolicité des Saints.

St Martial fut donc reconnu comme le 13ème apôtre, et cela fera illusion jusqu’au XIXè.S.

 
Dès lors, Limoges devient une étape de premier ordre sur la route de St Jacques de Compostelle. La proximité du tombeau de St Léonard (à 30 km à l’est), ne fait qu’accroître l’importance politique des deux sanctuaires.
Rois, reines et grands seigneurs comblent de leurs bienfaits ces deux lieux.
 
Se développent alors à Limoges deux pratiques culturelles remarquables, et qui feront sa renommée :
  • une création musicale particulière
  • une industrie du reliquaire et des objets en émail champlevé, appelée "Œuvre de Limoges" (mention apparaissant dans la 2ème moitié du XIIè.S. et qualifiant la production d’objets émaillés sur cuivre réalisés à Limoges ou sa proche région)

 


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02/05/2010 14:44

Saint Eloi

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02/05/2010 14:26

En résumé...

Limoges se développe donc autour de trois pôles distincts (ce genre de développement se retrouve dans d'autres villes, comme Périgueux qui s'est développé autour de deux pôles). Au Moyen-âge, on distingue : La cité épiscopale, « la Cité ». Elle est délimitée par le Puy...

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02/05/2010 14:10

Adémar de Chabannes

Moine limousin, auteur de nombreux textes et sermons, de miniatures, et notamment d’un texte poétique en l'honneur de Saint Martial accompagné d'une double notation musicale : la complexité de la composition s'inscrit dans la création musicale très originale qui se développe à Saint-Martial de...

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L’émaillerie limousine ou "Oeuvre de Limoges".

Limoges a été au Moyen-Age un centre de production remarquable d’émaux champlevés, émaux pour lesquels la plaque de cuivre est creusée, au burin de cavités prêtes à recevoir la poudre d’émail avant sa fixation durable par cuisson.
 
La conjonction de différents phénomènes semble être à l’origine du succès de l’"Oeuvre de Limoges" : :
  • Une tradition d’orfèvrerie réputée (Saint-Eloi, patron des orfèvres et des forgerons naît au VIè.S. près de Limoges et fonde le monastère de Solignac)
  • La présence d’un sous-sol riche en oxydes métalliques permettant l’émergence d’ateliers de fabrication d’objets émaillés
  • L’importance des communautés religieuses, notamment l’abbaye St Martial, déjà réputée pour ses arts précieux (manuscrits enluminés et musique) et la multitude de cultes liés aux saints et à leurs reliques, nécessitant l’emploi d’objets liturgiques en grand nombre.
  • L’emploi de pièces émaillées étaient moins onéreux que l’or ou l’argent et assuraient un substitut esthétique efficace aux objets d’orfèvrerie par l’éclat des matériaux travaillés et les contrastes des couleurs.
  • Idéalement situés sur la route du pèlerinage de St Jacques de Compostelle, les ateliers d’émaillerie bénéficiaient également de l’intérêt porté par les Plantagenêt à l’ordre de Grandmont dont l’abbaye-mère était sise à quelques kilomètres de Limoges, et qui commandait de nombreux objets émaillés pour l’ensemble de ses prieurés dans toute la France.
     
Le triomphe international des émaux champlevés s’opère au début du XIIIè.S. Durant la 2ème moitié du XIVè.S., la guerre de 100 ans entraînera une éclipse de cette activité remarquable.