Augustoritum (Ier au IVè.S.)

Limoges est une création purement romaine.
Vers l’an 10 av.J.C., Augustoritum naît de la volonté de l’empereur Auguste d’intégrer et de contrôler les territoires conquis par César pendant la guerre des Gaules
La capitale des Lemovices découle donc d’une réforme administrative d’Auguste qui créa la grande province d’Aquitaine, de la Loire aux Pyrénées.
Cette organisation territoriale (provinces et cités) est mise en place, impliquant découpage administratif et érection de chefs lieux ; un réseau de routes est établi (appelé voies romaines d’Agrippa) et l’on développe un urbanisme importé de Rome, témoignant de la puissance du vainqueur.

 

Le site de Villejoubert, rappelant la résistance gauloise et situé à l’écart de la nouvelle voie romaine d'Agrippa (gendre d'Auguste) Lyon-Saintes, a de plus une topographie qui ne permet par d’établir une ville « à la romaine ».
Le gué sur la Vienne, allié au profil favorable des berges et à un flanc de coteau sur la rive droite, très ensoleillé est plus favorable.
L'empereur Auguste donna son nom a une douzaine de ville en Gaule, dont Limoges qui s'appellera désormais Augustoritum (le "gué" d'auguste), et deviendra un carrefour entre l'axe Lyon-Saintes (seule ville d'importance avec Clermont-Ferrand) et un point de passage sur la route reliant la Méditerranée à la Manche.
La construction du pont St Martial permettra le franchissement de la rivière et les échanges économiques.
 
Sur le versant de la rive droite de la Vienne, orienté au Sud-Est, un quadrillage orthogonal de rues (plan en damier) est tracé, préalable indispensable à une urbanisation en terrasses, perpendiculairement à la rivière.

 

Les rues sont larges (16 à 23 mètres) : on compte 11 cardines (N-Sud) et 12décumani (est-ouest). 90 ilôts sont ainsi créés, couvrant environ 70 hectares (certaines insulae ou parcelles n’ayant peut-être jamais été loties).
 
Les axes principaux de la ville romaine sont :
  • Le « cardo maximus » : large de 23,50 m : Nord-sud rue du pont St Martial , rue de l’hôpital, rue du Canal
  • Le « decumanus » : Ouest-Est : voie allant de Saintes à Lyon.
L'intersection se situait sur l'emplacement de l’actuelle place des Carmes, on discerne sans peine les rues parallèles retrouvées par les archéologues sur le plan actuel de Limoges.

 

Les premières demeures.
Elles sont en bois et en terre (torchis), l’équipement initial de la ville semble être des plus médiocres : les voies ne sont pas empierrées sur toute leur largeur, de simples fossés les bordent, le forum (à l'emplacement de l'actuel hötel de ville) semble dépourvu de toute construction monumentale et on constate la survivance de nombreux aspects de la civilisation gauloise (un temple indigène bâti près du forum et cerné d’un fossé où s’accumulent des offrandes pendant un demi-siècle.)
En deux générations, la romanisation fait des progrès considérables, les institutions se calquent sur le modèle romain.
Ainsi le vergobret, titre d’administrateur d’origine gauloise, est remplacé par deux duumviri (sorte de consuls locaux assistés d’un sénat municipal : assemblée des décurions). Le sanctuaire gaulois disparaît.
La technique de « l’opus caementicium », maçonnerie de moellons de pierres et de briques liée au mortier de chaux se généralise, et à partir du règne de Claude (41-54 ap.J.C.), on constate l’apparition d’authentiques « domus », entièrement conçues sur le modèle importé de Rome (plan, technique, décoration, matériaux même parfois).

 

Les monuments romains.
La cité possédait tous les grands monuments indispensables à la vie publique :
  • Un très grand forum, centre de la vie administrative, se situait sur l’actuel site de l’hôtel de ville et de la BFM (étonnante permanence des institutions). Il fut remanié. Bordé de boutiques, d’une colonnade de style corinthien et décoré des statues de notabilités locales, il couvrait 3000 m².
  • un vaste amphithéâtre de 25000 places (soit un peu plus que les arènes d’Arles) sous l’emplacement du jardin d’Orsay (à l’extérieur de l’agglomération). Il date de l’an 100 ap. J.C. Il servit de carrière de pierres durant le Haut Moyen-âge, de refuge pour des populations marginales, de marché aux bestiaux.  Il tint 1600 ans mais ses ruines furent arasées et enfouies par l’intendant Boucher d’Orsay au début du XVIIIèS (les rues des arènes et de l’amphithéâtre rappellent ce monument)
  • un théâtre accolé au versant rocheux sur le quai St Martial, près de la Vienne.
  • de nombreux thermes (dont le plus grand occupe 6000 m² le long du forum), retrouvé et détruit dans les années 1970.
  • des villas, des aqueducs, des puits, des égouts.
Les temples des cultes n’ont pas encore été localisés.
En revanche un exceptionnel sanctuaire de tradition gauloise, clos de fossés, a été fouillé sous la nouvelle faculté de droit, il est resté en usage jusqu’au VIIè.S.

 

Pendant les 3 siècles d’existence de l’administration romaine, l’habitat urbain, comme la ville, a beaucoup évolué.
Les fouilles ont révélé une ville beaucoup plus importante (entre 10 000 et 15 000 habitants et s’étalant sur une centaine d’hectares) et plus riche qu’on ne l’avait soupçonné.

 

L’habitat.
L’ossature à pans de bois garnie d’argile a vite cédé la place dans les demeures aisées au béton de chaux et de tuileau, et à de la véritable maçonnerie de pierres et de briques. : pavements polychromes, décors mosaïqués ou peints, stucs pour les moulures, placages de marbre, dalles de calcaire, présence de système de chauffage par le sol appelé hypocauste… témoignent des fastes des maisons de maîtres.
 
Quelques exemples de « villas :
  • La maison dite « à l’emblème du lion » (ou aux 5 mosaïques) de 2300 m² en plein centre de la cité (sous les jardins de l’ancien hôpital général) : la mosaïque au centre de la BFM provient de cette demeure.
  • La maison dite « des nones de mars » de 3734 m², au sud du forum, rue du pont St Martial. Elle était organisée autour d’un vaste péristyle et d’un jardin entouré de portiques. Elle comptait 28 salles, associait mosaïques, fresques du 3è style pompéien (ornemental), et comptait un riche petit mobilier. Elle était dotée de thermes privés.
  • La villa Brachaud du 1er au IVè.s. ap. J.C. (ZIN Uzurat) : luxueuse résidence rurale de 7000 à 8000 m². comprenant également des thermes chauffés par hypocauste, 12 salles avec un aqueduc. Elle fut probablement établit à la période de déclin de la ville.
     
Les matériaux.
Ces villas richement décorées permettent d’en déduire que des artistes venaient de l’étranger pour travailler pour une élite locale romanisée : système de chauffage par hypocauste, emploi du verre à vitre : signes d’une indéniable recherche de distinction et de confort.
Parallèlement aux artistes et artisans, certains matériaux sont également importés :
  • calcaires et grès d’Angoumois, du Poitou, du Quercy,
  • marbre des Pyrénées.
  • céramiques et de marbres venus d'Egypte,
  • vaisselle de qualité ou éléments de décors d'Italie ou des ateliers gaulois de la Graufesenque et de Lezoux
  • statuettes en terre cuite blanche provenaient de l’Allier
Néanmoins, certains matériaux proviennent tout de même des environs, comme la céramique destinée à la construction (tuiles et briques)
Des petits ateliers ont même été découverts dont celui d’un tailleur de marbre du chantier des thermes, place des Jacobins, de bronziers et de forgerons témoignant d’une activité artisanale locale.
 
L’équipement.
Les notables locaux affirment leur appartenance à la civilisation romaine en pratiquant l’évergétisme : la générosité à l’égard de la cité.
C’est certainement à eux que l’on doit l’amélioration de l’équipement de la ville : les rues sont empierrées, des caniveaux couverts longent les trottoirs bordés de portiques, un pont construit avec de lourds blocs de granit permet de franchir la rivière, des thermes de 6000 m² sont aménagées près du forum (80 ap.J.C.) et en partie décorées de marbre. 
On sait ainsi qu’un certain Postumus, fils de Dumnorix (un Gaulois romanisé) a offert un aqueduc et une fontaine à la ville. 
 
Le déclin.
Avec les invasions répétées, l'accumulation de difficultés économiques et sociales (les périodes de trouble ne sont pas favorables au commerce), le déclin d’Augustoritum se précise à la fin du IIIè.S, avec un abandon progressif des surfaces habitées, la fermeture des équipements publics comme les thermes, le manque d'entretien des chaussées, la démolition d’édifices désaffectés...
Les trésors monétaires se multiplient ce qui indique que les gens ont peur et cachent leur argent.
Les notables désertent la ville pour s’installer à la campagne (la villa Brachaud date de cette époque de déclin).

 


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